Aujourd’hui, ce passage d’évangile, dans sa très grande richesse de perspectives, nous introduit à l’enjeu de la croissance à la suite de Jésus, une croissance à la fois personnelle et collective. Mais comment peut-elle être ajustée ? Ecoutons la parole en ce sens.
Le disciple doit se mettre à la suite de son maître. Suivre exclusivement un autre humain risque bien de conduire à la chute, comme un aveugle ne peut valablement guider un autre aveugle. Une fois mise en mouvement soit par une rencontre d’une personne, ou encore une découverte suscitée par un autre, et même un début d’appartenance à un groupe, il est bon de chercher à nous mettre à l’écoute, à la suite du seigneur plus directement. Et de percevoir comment à travers cette suite centrée sur le Christ, un chemin personnel s’ouvre vraiment en moi dans un dialogue entre le seigneur et moi qui s’approfondit étape après étape, à partir de ce que j’entends résonner en moi de sa parole. Mon chemin de croissance véritable est un chemin intérieur qui se dessine à travers ce que j’éprouve en moi… à travers ce que j’écoute en moi. La vie des saints ne cesse de l’attester. A un moment, ils ont suivi leur chemin propre.
Une autre déviation sur notre chemin de vie est le risque de s’intéresser davantage au chemin de l’autre qu’au sien propre. C’est la fameuse comparaison entre la paille et la poutre dans l’œil du prochain ou le sien. Rappelons, en passant que l’œil c’est l’ouverture de la citerne réserve d’eau, où une poutre qui affleurait à la surface permettait à la souris de s’échapper et ainsi de ne pas mourir dans l’eau, lui donnant de ne pas la rendre impropre à la consommation. La paille, quant à elle, ne faisait que rendre le goût de l’eau désagréable. L’enjeu est donc de ne pas dévier, après avoir éprouvé en soi le lieu de sa conversion, y demeurer, ne cesser de demander son aide au seigneur, tirer même profit de la manière autre du prochain de vivre pour avancer sur son propre chemin à soi, aller même jusqu’à tirer profit pour son chemin personnel d’injustices commises à son égard en continuant à se changer soi-même.
Et ce cheminement entrepris dans la mise à l’écart, puis déployé dans la conversion, me donne alors de percevoir la promesse véritable qui m’est faite. Le chemin de conversion est là pour que je puisse rencontrer, cheminer avec le seigneur à partir de la personne que je suis en vérité. Alors je marche vers le seigneur, avec lui à partir de la personne que je suis, je puis me réjouir aussi de la différence de mon frère, de ma sœur qui me nourrit et je puis leur donner de mon bien propre qui les aide vraiment. J’entre dans le royaume où chacun devient à partir de la différence de l’autre. Je suis à la fois sur mon chemin, celui du seigneur, celui de mes frères et sœur, la joie est là qui se donne. Amen !
Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite