Nous avons là trois textes qui nous font un éloge de la liberté et de notre latitude par rapport à la Loi et à Dieu, ainsi qu’une invitation à assumer nos choix et nos responsabilités.
6e dimanche du temps ordinaire, année A, 16 février 2020
Jamais les choses n’ont été dites avec tant de clarté. Il faut être conséquent avec ses choix. « Que ton oui soit oui, que ton non soit non ». Tout le reste vient de l’immaturité, de la duplicité.
Paul parle de ceux qui sont « adultes dans la foi ». Il faut commencer par dire ceux qui sont adultes dans leur choix, dans leur décision et par conséquent dans la foi.
Mais c’est là le premier niveau du discours.
Le deuxième niveau du discours, c’est que les deux choix ne sont pas équivalents et ne mènent pas au même résultat.
Dieu appelle à une manière de vivre dans laquelle la liberté croit avec le fait de se tourner vers lui, ainsi que l’efficacité de l’action que nous entreprenons.
Il y a un vieux terme qu’on utilise en théologie et qui s’appelle la « participation ».
La participation à l’œuvre de Dieu est proportionnelle au degré d’ouverture du sujet à Dieu, ou à l’action de l’Esprit, ou à sa disponibilité.
En fait, quand on entre dans cette dynamique, l’action comme l’existence du sujet est duale.
Il peut y avoir, et il y a une tension entre Dieu et le sujet, car le sujet a une volonté, un désir et des projets.
Il doit sans doute éprouver, expérimenter le bien-fondé de coopérer avec Dieu avant de s’y conformer.
Le bien-fondé s’appréhende dans les catégories suivantes. L’existence du sujet, s’en trouve-t-elle expansée ? Connaît-elle une expansion en profondeur ? Expérimente-t-elle un sens en déploiement, une intensité qui lui sied et qui lui confirme que le chemin qu’il a pris est bien le chemin de vie qu’il avait toujours désiré, même si ce désir était diffus jusqu’alors ?
Si vivre avec Dieu produit l’intensification du sujet, alors son engagement ne répond plus à une quelconque obligation, et la duplicité n’a plus lieu d’être. Elle tombe d’elle-même.
Voilà pourquoi, dans le cadre de la participation, l’agir est dual, il est humain et divin à la fois.
Maître Eckhart disait que le sujet qui est dépris de sa volonté propre agit avec la même force que Dieu, c.-à-d. qu’il opère la même œuvre que Dieu.
En effet, dans la participation, on en vient à saisir qu’il n’y a qu’une seule œuvre, l’œuvre de Dieu. Chacun y participe par ce qu’il est. Son agir correspond à ce qu’il est. Son agir a l’efficacité de son existence.
Ayant expérimenté jusqu’où la disponibilité à l’œuvre de Dieu peut nous mener, nous y trouvons goût, de l’allant. Alors, notre existence prend une direction particulière dans laquelle la vie est duale : Dieu est dans ma vie et je suis dans la sienne.
Bien entendu, notre contribution à l’œuvre peut être de la taille d’une goutte d’eau dans l’océan.
L’efficacité n’est plus liée à l’expressionnisme de ce que l’on fait, mais par sa capacité à exercer notre fond et par sa contribution à la croissance du Royaume.
Exercer notre fond, c’est exister, jouir de soi, et en même temps, agir par et pour Dieu, avec lui et au bénéfice du prochain. C’est probablement cela être adulte dans la foi.
Attention, ce mode de vie, un peu étrange par rapport aux affaires du monde, n’est pas un jugement porté sur le mode de vie des autres, ceux qui ne seraient pas dans la participation.
Dans la participation, nous sommes seulement des collaborateurs de Dieu et nous suivons la ligne qui semble être la nôtre.
Nous occupons notre place dans le monde, car personne ne peut l’occuper à notre place.
Nous sommes simplement irremplaçables, pas indispensables.
D’ailleurs, nous nous rendons compte que Dieu ne juge pas ceux qui développent leur propre œuvre ; il y a dans le monde de la place pour tout le monde.
Tout le monde n’est pas orienté dans la vie dans la dynamique de la participation ; d’ailleurs, Dieu ne semble pas l’exiger.
Si l’on se réfère à la prière du Christ dans les textes de vendredi dernier, il demande simplement de prier pour que le Père envoie des ouvriers à sa moisson.
La participation, c’est un peu cette vie d’ouvrier pour la moisson. Il ne laisse pas tomber les petits, ceux qui comptent sur lui, voilà pourquoi il envoie ceux et celles qui sont disponibles pour cette œuvre.
Dieu ne juge même pas les impies, car les impies ont cette faculté de prospérer qui étonne. Si Dieu les jugeait, ils cesseraient de croître à l’instant.
Tout semble bien aller pour eux, même si nous sentons, dans notre intériorité, que le chemin de l’impie ne mène nulle part. Il mène une existence vaine.
Dans la dynamique de la participation, il n’y a pas de limite. Le modèle, c’est le Christ, lui qui était pleinement humain et pleinement divin.
Roland Cazalis, compagnon jésuite
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